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Chapitre 11 : Espaces euclidiens

Dans tout le chapitre, les espaces vectoriels considérés seront des R -ev.

I Espace préhilbertien, espace euclidien

I.1 Produit scalaire

I.1.1 Définition
Soit E un R -espace vectoriel.
Un produit scalaire sur E est une application ϕ:{E×ER(x,y)ϕ(x,y) ( à valeurs réelles ) qui a les propriétés suivantes :
  1. Symétrique : u,vE ϕ(u,v)=ϕ(v,u) .
  2. Bilinéaire :
    λ,μRu,v,wE ϕ(λu+μv,w)=λϕ(u,w)+μϕ(v,w)
     et ϕ(u,λv+μw)=λϕ(u,v)+μϕ(u,w).
  3. Positive : ϕ(u,u)0 .
  4. Définie : ϕ(u,u)=0u=0
Un produit scalaire est donc une forme bilinéaire, symétrique, définie, positive.
Notation. Quand ϕ est un produit scalaire, on note plutôt (u|v),u,v, ou uv à la place de ϕ(u,v)
Explication
Cette définition du produit scalaire nous permet de nous passer de la notion d'angle et de distance (ou norme). Ce sont exactement les propriétés du produit scalaire canonique de Rn déjà étudié dans le chapitre .
I.1.2 Définition

Soit E un R -espace vectoriel munit d'un produit scalaire. On dit alors que E est un espace préhilbertien réel, et si E est de dimension finie on dit que E est un espace euclidien.
I.1.3 Remarque
  1. La bilinéarité implique que (0E|u)=(u|0E)=0 pour tout uE .
  2. Pour vérifier qu'une application est bilinéaire, on vérifie une seule linéarité.
    La symétrie prouve automatiquement la deuxième linéarité.
I.1.4 Exemple
Il faut connaître ces exemples, ainsi que savoir les prouver.
  1. Produit scalaire canonique sur Rn : rappelons que pour deux colonnes
    X,YRn , l'application ϕ(X,Y)=XTY=X,Y est bien un
    produit scalaire au sens de ce chapitre.
  2. Cette fois E=Mn,p(R) .
    On pose ϕ:(A,B)Tr(ATB) ( remarquer que ATBMp(R) ). Montrons que ϕ est un produit scalaire. Soient A,BMn,p(K) .
    ϕ(B,A)=Tr(BTA)=Tr((ATB)T)=ϕ(A,B) ,
    car la trace est invariante par transposition.
    La linéarité à droite est immédiate par composition de deux applications linéaires.
    Calculons ϕ(A,A) .
    On note A=(ai,j)i,j1,n .
    Alors Tr(ATA)=i=1nk=1nak,iak,i
    est la somme des carrés de tous les coefficients de A .
    Ainsi ϕ(A,A)0 et on a même ϕ(A,A)=0 ssi tous les termes de
    la somme sont nuls (somme de réels positifs) ie A=0 .
  3. Montrons que ϕ:{C([a,b],R)2R(f,g)abfg
    est bien un produit scalaire.
  4. La symétrie provient de la commutativité du produit dans R[a,b] . La linéarité à gauche est une conséquence immédiate de la linéarité de l'intégrale. Soit fC([a,b],R) . Alors ϕ(f,f)=abf2(t)dt0 par positivité de l'intégrale. De plus si ϕ(f,f)=0 alors abf2=0 et donc f2 est une fonction continue, positive et d'intégrale nulle : elle est nulle sur le segment [a,b] . Ainsi f2=0 et donc f=0 .
  5. On se place dans E=R[X] et pour P,QR[X] on pose
    ϕ(P,Q)=01P(t)Q(t)dt. Montrons que ϕ est un produit scalaire. Symétrie, bilinéarité, positivité : voir l'exemple précédent.
    Soit PR[X] tel que ϕ(P,P)=0 .
    Montrons que P est le polynôme nul.
    Pour l'instant on sait que la fonction polynomiale associée est nulle sur le segment
    [0,1] . Ainsi P possède une infinité de racines et est donc le polynôme nul.
I.1.5 Remarque
On peut le plus souvent définir plusieurs produits scalaires sur un même espace. Par exemple, ϕ((xy),(xy))xx+2yy est un autre produit scalaire sur R2 .

I.2 Théorèmes

I.2.1 Théorème
Toutes les définitions et propriétés portant sur les produits scalaires et les normes vues dans le chapitre sur le théorème spectral sont encore valables dans un espace euclidien E (c'est-à-dire un R -espace vectoriel de dimension finie dans lequel on a défini un produit scalaire) ou dans un espace préhilbertien (la même chose, mais en dimension infinie, par exemple C([a,b],R) avec le produit scalaire intégral).
La seule condition est de remplacer la base canonique de Rn par une base orthonormée de E .
En particulier on pourra utiliser :
  • norme d'un vecteur, elle est nulle ssi le vecteur est le vecteur nul.
  • lien norme-produit scalaire (définition de la norme, identité de polarisation)
  • inégalité de Cauchy-Schwartz et triangulaire.
  • orthogonalité de vecteurs, liberté d'une famille de vecteurs orthogonaux 2 à 2
    et non nuls. Théorème de Pythagore
  • base orthonormée et calcul des coordonnées dans une telle base
  • procédé de Gram-Schmidt pour créer une base orthogonale ou orthonormale à
    partir d'une base existante
  • espaces orthogonaux et orthogonal d'un sous-espace
    (avec une généralisation, voir la proposition I.2.7 )
Preuve
Seules les 4 propriétés définissant un produit scalaire ont été utilisées pour prouver tous ces résultats.
I.2.2 Théorème (Rappel : coordonnées dans une base orthonormée)
Soit E un espace euclidien et B=(e1,,en) une base orthonormée de E .
Soit x,yE et notons X=MatB(x)=(x1xn),Y=MatB(y)=(y1yn) leurs colonnes de coordonnées dans B
  1. k1,n xk=x,ek ou encore
    x=k=1nx,ekek .
  2. x,y=k=1nxkyk=XTY .
I.2.3 Exemple
Soit E un espace euclidien de dimension 2, et B=(e1,e2) une base orthonormale. Montrer que B=(u1,u2) avec u1=4e1+3e25 et u2=3e1+4e25 est une BON de E . Que dire de la matrice de passage ?
I.2.4 Exemple (Gram-Schmidt)
On munit R2[X] du produit scalaire P,Q=11P(t)Q(t)dt . Donner une base orthonormée de R2[X] qui soit échelonnée en degré.
Posons (P0,P1,P2)=(1,X,X2) la base canonique de R2[X] . On cherche une base orthogonale notée (Q0,Q1,Q2) par le procédé de Gram-Schmidt.
  1. On pose Q0=P0=1 .
  2. On cherche Q1 sous la forme Q1=P1αQ0 ( donc de degré 1 )
    tel que Q0Q1 .
    Alors
    Q1,Q0=0P1,Q0αQ0,Q0=011t×1dtα111×1dt=0 .
    On trouve α=0 et donc Q1=P1=X .
  3. On cherche Q2 sous la forme Q2=P2aQ0bQ1 ( donc de degré 2 )
    tel que Q2Vect(Q0,Q1) .
    Q2,Q0=0P2,Q0aQ0,Q00=011t2×1dt2a=0232a=0 et donc a=13 .
    Q2,Q1=0P2,Q1bQ1,Q1=00b×23=0b=0 .
    Finalement, Q2=X213 .
Pour trouver une base orthonormée, il suffit maintenant de diviser par les normes (déjà calculées, sauf pour Q2 ). Q22=Q2,Q2=11(t213)2dt=845 et donc
I.2.5 Remarque
  1. Tout espace euclidien admet une BON.
  2. Le procédé de Gram-Schmidt ne change pas une famille orthogonale
    (sauf à la normaliser si on veut obtenir une BON).
I.2.6 Remarque
Si on orthonormalise B en B , la condition de conservation des espaces vectoriels croissants assure que P=MatB(B) (la matrice de passage) est triangulaire supérieure.
I.2.7 Proposition (Orthogonal d'un sous espace)
Soit E un espace préhilbertien et F un sous-espace de E .
Si F est de dimension finie, alors FF=E .
Preuve
  • FF={0E} , car le seul vecteur orthogonal à lui-même est le vecteur nul.
  • Soit (e1,,er) une base de F que l'on suppose orthonormale
    (on a appliqué le procédé de Gram-Schmidt).
  • Soit xE .
    • Analyse. Supposons que x=x1+x2 avec x1F et x2F .
      Alors, pour k1,r , x,ek=x1,ek+0R .
      Comme de plus x1=k=1rx1,ekek (expression des coordonnées
      par le produit scalaire, dans une base orthonormée), on a
      x1=k=1rx,ek et x2=xx1
    • Synthèse. Posons x1=k=1rx,ekek et x2=xx1 .
      Alors clairement, x=x1+x2 et x1F .
      Il reste à montrer que x2F c'est-à-dire x2F .
      Nous allons montrer que x2ei pour tout i .


      x2,ei=x,eix1,ei=x,eik=1rx,ekek,ei=x,eik=1rx,ekek,ei encore une linéarité =x,eix,ei tous les autres termes de la somme sont nuls =0


      et on a bien x2F .

    Finalement, FF=E
I.2.8 Exemple
On munit Mn(R) du produit scalaire A,B=Tr(ATB) . Montrer que Sn(R) et An(R) sont orthogonaux. Rappelons qu'ils sont également supplémentaires, et donc Sn(R)=An(R) .
En effet, si ASn(R) et BAn(R) alors Tr(ATB)=Tr(BTA)=Tr(BA)=Tr(BAT)=Tr(ATB)=0 où on a utilisé dans l'ordre : la symétrie du produit scalaire, la définition de matrice anti-symétrique ainsi que la linéarité de la trace, la définition de matrice symétrique, puis finalement la symétrie du produit scalaire.

I.3 Projections et symétries orthogonales

I.3.1 Définition

Soit E un espace préhilbertien et F un sous-espace de dimension finie de E .
  1. La projection orthogonale sur F est la projection sur F parallèlement
    à (de direction) F .
  2. La symétrie orthogonale sur F est la symétrie par rapport à F de direction F .
I.3.2 Remarque
  1. On a bien E=FF ...
  2. On pourra se souvenir de la formule s=2pId pour lier les deux objets précédents.
  3. Pour xE , on a les deux conditions géométriques
    pF(x)F et xpF(x)F .
I.3.3 Exemple
Matrice dans la base canonique de la projection orthogonale sur D:2xy=0 .
I.3.4 Proposition

Soit E un espace préhilbertien et F un sous-espace de dimension finie de E dont une BON est (u1,,ur) . On note pF le projecteur orthogonal sur F . Alors xE pF(x)=i=1r(x|ui)ui En particulier, si F=Vect(u) est une droite , pF(x)=(x|u)uu est de norme 1 .
Preuve
Il s'agit d'un re-formulation de la preuve de I.2.7
I.3.5 Méthode
  1. On détermine pF(x) en remarquant que


    pF(x)FxpF(x)F


    donc xpF(x) est orthogonal à une base de F .
  2. On utilise la formule pF(x)=i=1r(x|fi)fi si on connaît
    une BON de F .
I.3.6 Définition
Une symétrie orthogonale par rapport à une droite est appelée retournement et une symétrie orthogonale par rapport à un hyperplan est appelé réflexion.
I.3.7 Réduction
Matrice, trace, det dans des bases adaptées.
I.3.8 Exemple
Dans R3 on pose : F=Vect((101),(211)) . Calculer les matrices dans la base canonique de la projection orthogonale sur F et de la symétrie orthogonale par rapport à F .
I.3.9 Proposition (Inégalité de Bessel)

Soit F un sous-espace de dimension finie de E . On note pF le projecteur orthogonal sur F . xE pF(x)x
Preuve
Soit xE . On a x=pF(x)+(xpF(x)) et donc d'après le théorème de Pythagore, x2=pF(x)2+xpF(x)2 . On conclut en remarquant qu'un carré de réel est toujours positif et que la fonction racine carrée est croissante sur R+ .
I.3.10 Exercice
Montrer que cette propriété caractérise les projecteurs orthogonaux parmi les projecteurs. Plus précisément, si pL(E) est un projecteur de E on a xE p(x)xp est un projecteur orthogonal Indication : on pourra poser un vecteur non nul x du noyau de p et considérer la projection orthogonale sur Vect(x) .
Il reste une implication à prouver. On suppose que xE p(x)x et on note F=ker(pId) et G=ker(p) . On doit montrer que FG .
Soient xG{0E},yF . On note z le projeté orthogonal de y sur Vect(x) . Alors y=z+(yz)zyz . D'après Pythagore, y2=z2+yz2z2+p(yz)2 . Or zVect(x)G donc p(z)=0 et de plus p(y)=y . Ainsi y2z2+y2 et donc z2=0 et finalement z=0E donc xy et on a bien FG .
I.3.11 Théorème (Moindres carrés)

Soit F un sous-espace de dimension finie de E .
Pour xE , on note d(x,F)=infyFxy la distance de x à F .
Il existe un unique x0F tel que d(x,F)=d(x,x0)=xx0 et donc la borne inférieure est en fait un minimum.
x0 est le projeté orthogonal de x sur F .
Preuve
Notons x0=pF(x) le projeté orthogonal de x sur F . Alors x0F et donc d(x,F)d(x,x0) .
De plus, si yF alors xy=xx0+x0y et donc xy2=xx02+x0y2 , car xx0Fx0y et d'après le théorème de Pythagore.
Ainsi pour tout yF d(x,y)d(x,x0) et donc d(x,F)=d(x,x0) . Le calcul précédent montre que ce minimum n'est atteint qu'en x0 .
I.3.12 Remarques
  1. Ce théorème donne avant tout l'existence d'un minimum.
  2. Avec les notations de la preuve, d(x,F)2=x2pF(x)2
    (toujours d'après Pythagore). Ainsi, on a un moyen pratique de calculer la valeur de
    ce minimum : il s'agit de calculer une projection orthogonale.
I.3.13 Traduction dans une BON
Soit (e1,,er) une BON de F
  1. Alors pF(x)=i=1r(x|ei)ei .
  2. d(x,F)=x2i=1r(x|ei)2 .
I.3.14 Exemple

Calculer infa,bR01(exaxb)2dt . Il s'agit de calculer, dans C([0,1],R) munit du produit scalaire intégral, le projeté de l'exponentielle sur le sous espace des fonctions affines (qui est de dimension 2).

II Isométries

Le cadre ici est celui des espaces euclidiens, et plus particulièrement des espaces euclidiens de petite dimension. E sera donc toujours un espace euclidien et on abusera sans retenue du théorème I.2.2 de calcul des coordonnées dans une base orthonormée.

II.1 Cas général

II.1.1 Définition-proposition
Soit fL(E) une application linéaire. On a équivalence entre
  1. f conserve le produit scalaire ie x,y (f(x)|f(y))=(x|y)
  2. f conserve la norme, ie xE f(x)=x .
Dans ce cas, f est bijective et est appelé automorphisme orthogonal ou encore isométrie vectorielle. L'ensemble est automorphismes orthogonaux de E est noté O(E) .
Preuve
  • 12 C'est évident. On pourrait prouver que si f n'est pas forcément
    linéaire, mais conserve le produit scalaire, alors elle est linéaire.
  • 21 On a pour tous x,yE


    (f(x)|f(x))=12(f(x)+f(y)=f(x+y)2f(x)2f(y)2)=12(x+y2x2|y2)=(x|y)

Comme f conserve la norme, on a f(x)=0f(x)=0x=0x=0 donc f est injective donc bijective, car E est de dimension finie.
II.1.2 Exemple
  1. L'identité est clairement dans O(E) .
  2. Toute symétrie orthogonale est dans O(E) .
    Le vérifier en revenant à la définition s(x)=xFxG avec xFxG .
  3. Les projections sur tout sous-espace strict ne sont pas des automorphismes
    (noyau non trivial).
II.1.3 Corollaire
Soit fL(E) et B une base orthonormée de E . fO(E)MatB(f)On(R)
Preuve
Notons M=MatB(f) .
Soit xE et X=MatB(x) . Alors le théorème I.2.2 montre que xnorme dans E=Xnorme dans Rn et MX=f(x)MatB(f(x))=MX=MatB(f)×MatB(x)
Comme l'application {ERnxMatB(x) est bijective on a bien fO(E) ssi MOn(R) (voir la caractérisation numéro 6 dans le chapitre ).
Explication
À condition de se placer dans une BON, on peut passer des endomorphismes orthogonaux aux matrices orthogonales.
II.1.4 Proposition
Soit fL(E) . Alors les propositions suivantes sont équivalentes.
  1. fO(E)
  2. L'image de toute BON de E par f est une BON de E .
  3. L'image d'une certaine BON de E par f est encore une BON de E .
Preuve
Simple traduction de la même propriété sur les matrices orthogonales
II.1.5 Exemple
Montrer que l'application (xy)(cosθxsinθysinθx+cosθy) est orthogonale.
II.1.6 Proposition
La composition de deux isométries est encore une isométrie et l'inverse (bijection réciproque) d'une isométrie est encore une isométrie.
Preuve
Idem
II.1.7 Exercice
Dans E euclidien, soit F un sous-espace et fO(E) . Montrer que f(F)=f(F) . (inclusion facile + dimension qui est conservée par les iso)
II.1.8 Proposition
Soit fO(E) . Si F est un sous-espace de Estable par f (ie f(F)F ) alors F est stable par f .
Preuve
Supposons que F est stable par f et soit xF . On doit montrer que f(x)F .
Soit donc yF . Montrons que (f(x)|y)=0 . Or (f(x)|y)=(x|f1(y)) . De plus, f est bijective donc f(F)=F (égalité des dimensions). Ainsi f1(y)F et donc (x|f1(y))=0 .
Finalement, f(x)F .
II.1.9 Proposition

Soit fL(E) et B une base orthonormée de E . On note M=MatB(f) . M est symétrique et MOn(R)f est une symétrie orthogonale
Preuve
Si M est symétrique on a à la fois MT=M et MT=M1 . Ainsi f est une symétrie. Montrons que ker(fIdE)ker(f+IdE) .
Soient x1,x2E{0E} tels que f(x1)=x1 et f(x2)=x2 (des vecteurs propres). Montrons que x1x2 . Or f est une isométrie, donc (x1|x2)=(f(x1)|f(x2))=(x1|x2)=(x1|x2) et donc (x1|x2)=0 . Finalement la symétrie f est bien orthogonale.
On peut aussi, encore une fois, utiliser le théorème I.2.2 pour voir que x,y=XTY en utilisant les coordonnées dans B et les espaces propres de M sont orthogonaux d'après le théorème spectral...
Réciproquement, supposons que f est une symétrie orthogonale. Alors M=M1 . De plus, M est une matrice orthogonale, car f est une isométrie et B est une base orthonormée.

II.2 Groupe orthogonal en dimension 2


On se place dans R2 . On note Bcan=(e1,e2) la base canonique. On peut également se placer dans un espace euclidien E de dimension 2 munit d'une base orthonormée de référence qui joue alors le rôle de la base canonique.
II.2.1 Proposition (Caractérisation de $O_2(\R)$)

Soit MO2(R) .
  1. MSO2(R) ssi il existe θ tel que
    M=Rθ=(cosθsinθsinθcosθ) ( M est canoniquement associée à la
    rotation d'angle θ ).
    Les matrices de SO2(R) commutent entre elles.
  2. detM=1 ssi M est de la forme
    Sθ=(cosθsinθsinθcosθ) ( M est canoniquement associée
    à une réflexion, ie. une symétrie orthogonale par rapport à une droite).
Preuve
  • On commence par remarquer que toutes les matrices Rθ sont clairement dans SO2(R) . Réciproquement, soit M=(acbd)SO2(R) . Alors {a2+b2=1c2+d2=1adbc=1 On peut donc écrire, d'après les deux première équations a=cosϕ,b=sinϕ et c=cosψ,d=sinψ . Maintenant la condition sur le déterminant est cosϕcosψsinϕsinψ=1 ie. cos(ϕ+ψ)=1 On en déduit que ϕ+ψ=2kπ avec kZ . Donc sinψ=sin(ϕ)=sinϕ et cosψ=cosϕ . CQFD.
  • On peut faire la même démonstration avec detM=1 et trouver le résultat annoncé.
II.2.2 Exemple

On note D:sin(ϕ)x+cos(ϕ)y=0 .
Calculer la matrice de la symétrie orthogonale d'axe D .
II.2.3 Corollaire
Soit E un espace euclidien de dimension 2.
Soit fO(E) une isométrie de ce plan. Alors
  • f est une rotation ssi det(f)=1 .
  • f est une réflexion ( une symétrie orthogonale par rapport à un hyperplan,
    c'est-à-dire une symétrie axiale
    ) ssi det(f)=1 .

Dans le cas d'une rotation, il suffit de déterminer l'image d'un vecteur de base pour en déduire l'angle. Pour une réflexion, on cherche la droite de point fixe pour la caractériser géométriquement.
II.2.4 Exemple
Calculer RθSϕ . On pourra d'abord remarquer que c'est une matrice d'isométrie négative.
II.2.5 Composition de deux réflexions
La composée de deux réflexion est une rotation du plan. Il reste à déterminer l'angle.
II.2.6 Valeurs propres
  1. Les matrices de rotations Rθ±I2 ne sont pas diagonalisables
    dans R . Leurs valeurs propres sont e±iθ .
  2. Les réflexions sont diagonalisables, de valeurs propres 1 et -1 (multiplicité 1).

II.3 Groupe orthogonal en dimension 3

On se place maintenant dans Eespace euclidien de dimension 3, et on choisit B une base orthonormée qui oriente E ( on choisit par convention que B est directe et c'est elle qui est la référence pour savoir si une autre base est directe ).
Lorsque E=R3 , la base de référence est la base canonique
II.3.1 Proposition
Soit fO(E) une isométrie d'un espace euclidien.
Si f possède une valeur propre λ réelle, alors λ=±1 .
Preuve
Soit x0E un vecteur propre associé à λR une valeur propre de f .
Alors f(x)=x car f est une isométrie. On a donc λx=x ou encore |λ|x=x Ainsi |λ|=1 car x est non nul donc de norme non nulle.
Plus généralement, soit M la matrice dans une base orthonormée de f et λSp(M) réelle ou non. Soit également un vecteur XKn propre de M associé à λ .
Alors X¯ est un vecteur propre associé à λ¯ (car M est à coefficients réels) et on a (AX¯)TAX=λ¯X¯TλX=|λ|2X¯TX .
Si on note X=(z1zn) alors X¯TX=i=1n|zi|2>0 .
De plus, comme A est orthogonale, (AX¯)TAX=X¯TATAX=X¯TX . Ainsi λ2=1 et λ est de module 1.
II.3.2 Proposition
On note B=(u,v,w) une base orthonormée directe de E Soit fL(E) telle que pour un θ[π,π]MatB(f)=(1000cosθsinθ0sinθcosθ) La matrice de f ne dépend pas du choix de v,w tant que (u,v,w) est une base orthonormée directe.
Preuve
Il faut prouver qu'en changeant de base orthonormée directe, on conserve la même matrice.
Soit B=(u,v,w) une base orthonormée directe de E et P=MatB(B) la matrice de passage de B à B . Alors PSO3(R) et P=(1000ab0ba) car les colonnes doivent former une base orthonormée directe : ceci impose les 0 dans la première ligne pour l'orthogonalité à la première colonne et la troisième colonne est calculée par produit vectoriel.
Alors, (abba)So2(R) (les colonnes de P sont de norme 1) et donc on peut poser ϕR tel que P=(100Rϕ) en notation par bloc.
Alors P1=PT=(100RϕT)=(100Rϕ) .
Un calcul direct (et un peu de trigonométrie) montre alors que MatB(f)=changement de baseP1MatB(f)P=calculMatB(f)
II.3.3 Définition

Soit fL(E) . S'il existe une base orthonormée B telle que
MatB(f) soit de la forme précédente, alors on dit que
f est la rotation d'axe Vect(u) orienté par u et d'angle θ .
II.3.4 Interprétation géométrique
L'interprétation géométrique est la suivante : Vect(u) est la droite des points fixes, et dans P=Vect(v,w)=Vect(u) , f est la rotation d'angle θ . On dit alors que f est la rotation d'axe Vect(u) orienté par u et d'angle θ .
On dit que l'axe de f est orienté par u , car l'angle de rotation dans l'espace dépend de la direction selon laquelle on observe le plan P . Le sens de u donne le ``dessus'' de P et donc le côté par lequel on observe P pour que l'angle soit bien θ . Si on change le sens de u (qui devient donc u ), alors l'angle de la même rotation devient θ .
II.3.5 Exemple
Déterminer, dans R3 dont la base canonique est notée Bc=(ı,ȷ,k) les matrices dans Bc des rotations :
  1. r1 d’axe orienté par ı et d’angle θ ,
  2. r2 d’axe orienté par ȷ et d’angle θ ,
  3. r3 d’axe orienté par k et d’angle θ

La première matrice est directement la matrice de la définition précédente.
Pour la seconde, on pose B2=(ȷ,k,ı) une autre BOND. Alors MatB2(r2)=(1000cosθsinθ0sinθcosθ) donc MatBc(r2)=(cosθ0sinθ010sinθ0cosθ) où on a simplement utilisé la définition de MatB2(r2) .
On trouve en posant B3=(k,ı,ȷ) que MatB3(r3)=(1000cosθsinθ0sinθcosθ) donc MatBc(r3)=(cosθsinθ0sinθcosθ0001)
II.3.6 Étude des valeurs propres
Soit fO(E) . Comme 3 est impair, χf possède une racine réelle qui vaut forcément ±1 . Notons u un vecteur propre associé à λ=±1 .
Alors P=Vect(u) est stable par f et f|P est une isométrie d'un plan vectoriel. Ainsi f|P est une rotation ou une réflexion.
  1. Si f|P est une réflexion, alors f est une symétrie orthogonale. Quitte à changer l'ordre d'une base de vecteur propre, sa matrice réduite est de la forme (100010001) ( f est un retournement, c'est le cas λ=1 ) ou (100010001) ( f est une réflexion, c'est le cas λ=1
  2. Dans le cas où f|P est une rotation il y a plusieurs possibilités :
    • Cas λ=1 . Dans ce cas on choisit (v,w) une BOND de P de telle sorte que B=(u,v,w) soit une BOND de l'espace et alors MatB(f)=(1000cosθsinθ0sinθcosθ) et f est une rotation
    • Cas λ=1 . f est la composée (commutative) d'une rotation et d'une réflexion.
      L'axe de rotation est Vect(u) et le plan de réflexion est P .
      On construit B=(u,v,w) une BOND comme au point précédent et alors
      MatB(f)=(1000cos(θ)sin(θ)0sin(θ)cos(θ))=(100010001)×(1000cos(θ)sin(θ)0sin(θ)cos(θ)) et le produit commute bien.
II.3.7 Théorème (Les types d'isométries)

Soit fO(E) avec E un espace euclidien de dimension 3.
  1. Si detf=1 alors f est une rotation de l'espace
    (ou un retournement qui est une rotation d'angle π ).
  2. Si detf=1 , alors f est soit une réflexion, soit la composée
    d'une réflexion et d'une rotation (l'axe de rotation étant orthogonal au plan
    de réflexion).
II.3.8 Proposition (Etude d'une matrice orthogonale)
Soit MO3(R) . On suppose M±I3 .
On note f l'endomorphisme canoniquement associé (ou plus généralement, une isométrie dont M est la matrice dans une BOND )
  1. Si M est symétrique, alors f est une symétrie orthogonale.
    Si Tr(M)=1 il s'agit d'une réflexion (symétrie par rapport à un plan),
    si Tr(M)=1 il s'agit d'une symétrie axiale (retournement).
  2. Sinon il y a deux cas.
    1. Si det(M)=1 , alors f est une rotation.
    2. Si det(M)=1 alors M est une matrice de rotation d'axe
      Vect(u) orienté par u et d'angle θ . Alors f est au choix :
      • la composée de la réflexion par rapport à Vect(u) et
        de la rotation d'axe Vect(u) et d'angle θ+π .
      • la composée commutative de la rotation d'axe Vect(u) et
        d'angle θ et de la symétrie centrale de centre O

II.3.9 Exemple

Soit M=13(122212221) . M est symétrique donc il s'agit d'une matrice de symétrie orthogonale. Comme Tr(M)=1 , il s'agit d'une symétrie axiale.
On détermine l'axe comme ensemble des points fixes, ie comme noyau de MI3=13(422242224) . Clairement X=(111) vérifie (MI3)X=0 donc M est la matrice dans la base canonique de la symétrie orthogonale d'axe Vect(111) .
II.3.10 Déterminer une rotation
Soit M une matrice de SO3(R) .
  1. Etape 1 : déterminer l'axe.
    Il s'agit de l'ensemble des points fixes, ou encore de l'espace propre associé à la valeur propre 1.
    On fixe u de norme 1 directeur de l'axe.
  2. Etape 2 : déterminer l'angle. On le note θ]π,π] .
    On a déjà, Tr(M)=1+2cos(θ) donc on connaît cos(θ) facilement. Il reste à trouver le signe de θ , ie le signe de sin(θ) .
  3. Fixons v,w tels que B=(u,v,w) soit une BOND.
    Alors detB(u,v,Mv)=|10001cosθ00sinθ|=sinθ.
    Si maintenant XR3 n'est pas sur l'axe de rotation, on écrit X=au+XPXP est non nul et orthogonal à u .
    Alors, dans la base orthonormée directe
    B=(u,XPXP,uXPXP) ,
    detB(u,X,MX)=det(u,XP,MXP)=XP2sin(θ) ,
    car Mu=u et par opération élémentaire sur les colonnes.
II.3.11 Proposition
Soit MSO3(R) alors M est la matrice d'une rotation d'axe D=Vect(u) (orienté par u ) et d'angle θ vérifiant :
  1. D est le noyau de MI3 . On note D=Vect(u)u est unitaire.
  2. Pour X un vecteur XD , θ vérifie
    {Tr(M)=1+2cosθsg(sin(θ))=sg([u,X,MX]) où le déterminant est calculé
    dans une BOND, de préférence dans la base canonique.
    En règle générale, on prend pour X un vecteur de la base canonique.
II.3.12 Exemple

Soit M=(001100010) . Montrer que M est une matrice de rotation dont on précisera un axe dirigé et l'angle correspondant.
On a facilement det(M)=1 par deux échanges de colonnes. Clairement les colonnes de M forment une BON (qui est donc directe car det(M)>0 ).
L'ensemble des points fixes est E1(M)=Vect(111) et on pose u=13(111) un vecteur unitaire qui dirige et oriente l'axe de rotation. L'angle θ]π,π] vérifie 1+2cos(θ)=Tr(M)=0 donc cos(θ)=12 . Ainsi θ=±π3 . De plus, en posant v=(100) qui n'est pas sur l'axe de rotation, sin(θ) est du signe de [u,v,Mv]=13|110101100|=13 par développement suivant la 3ème ligne. Finalement θ=π3 .