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Chapitre 14 : Intégrales à paramètre

I Intégrales dépendant d'un paramètre

I.1 Fonctions définies par une intégrale

I.1.1 Théorème fondamental
Nous savons déjà étudier certaines fonctions définies par une intégrale : Φ:xaxϕ(t)dt où on peut appliquer le théorème fondamental du calcul différentiel : si ϕ est continue sur un intervalle J et que aJ alors Φ est une primitive de ϕ et c'est même la primitive de ϕ qui s'annule en a.
Dans ce cadre, la variable de Φ apparaît comme une borne de l'intégrale et c'est tout. Lien géogébra : La variable de Φ est représenté par le curseur x0 .
I.1.2 Exemple
Donner l'ensemble de définition de f:x0πcos(xsin(t))dt .
Il s'agit de trouver les valeurs de x où l'intégrande est continue sur [0,π] (quitte à ouvrir les bornes) et d'intégrale convergente le cas échéant.
Cette fois, la variable de f fait partie de l'expression de l'intégrande. Quand x change de valeur, c'est la fonction à intégrer qui change ! Lien géogébra : La variable de f est représenté par le curseur x0 .
I.1.3 Transformée de Laplace
Soit f une fonction définie sur R+ au moins et continue.
La transformée de Laplace de f est la fonction F(p)=0+f(t)eptdt quand cette fonction F est bien définie.
Si f est intégrable sur R+ alors F est définie sur [0,+[ .
I.1.4 La fonction Gamma
Soit αR . À quelle condition sur α l'intégrale 0+tα1etdt est-elle convergente ?
Remarquons que f:ttα1et est continue et positive sur ]0,+[ et même continue en 0 (par prolongement) si α1 .
  • Etude en 0. On a f(t)0tα1 qui est intégrable au voisinage de 0 ssi (α1)<1 ie α>0 .
    Par comparaison de fonctions positives, f est intégrable sur ]0,1] ssi α>0 .
  • Etude en + . On a t2f(t)=tα+1ett+0
    par croissances comparées et donc f(t)=o+(1t2) .
    Par comparaison de fonctions positives, f est intégrable sur [1,+[ .
Conclusion : f est intégrable sur ]0,+[ ssi α>0 .
On pose maintenant Γ:{]0,+[R+x0+tx1etdt . Cette fonction est bien définie.
I.1.5 Généralisation
Les intégrales qui nous intéressent dans ce chapitre seront toutes de la forme des deux exemples précédents. On note généralement x le paramètre et t la variable d'intégration. En notant J l'intervalle d'intégration, on aura donc affaire à des intégrales de la forme Jϕ(x,t)dt dont la valeur dépend de la valeur choisie pour x .
Pour étudier ces intégrales, on pose f:xJϕ(x,t)dt . La première question est de connaître le domaine de définition de f , c'est-à-dire trouver les valeurs de x pour lesquelles l'intégrale existe et a une valeur finie.
I.1.6 Exemple
Montrer que la fonction f:x0+ett2+xdt est bien définie sur ]0,+[ .

I.2 Continuité

I.2.1 Théorème
(On s'intéresse ici à la continuité d'une fonction de la forme f:xJϕ(x,t)dt )
Soit I,J deux intervalles non triviaux de R , ϕ:{I×JK(x,t)ϕ(x,t) une fonction. Supposons que :
  1. Pour xI fixé, ϕx:tϕ(x,t) est continue sur J .
  2. Pour tJ fixé, ϕt:xϕ(x,t) est continue sur I .
  3. (hypothèse de domination) Il existe g:JR une fonction positive, continue et intégrable sur J telle que
    (x,t)I×J |ϕ(x,t)|g(t)
Alors la fonction f:{IKxJϕ(x,t)dt est définie et continue sur l'intervalle I.
Preuve
On montre juste que f est bien définie, ie que pour xI fixé, Jϕ(x,t)dt converge.
Or pour x fixé, on a tJ |ϕ(x,t)|g(t) avec gintégrable sur J . Par comparaison de fonctions positives, tϕ(x,t) est intégrable sur J donc son intégrale converge. Ainsi f(x) existe bien.
En pratique, on vérifie la continuité par rapport à la variable x et on exhibe une fonction g convenable, c'est-à-dire qui ne dépend pas de x et qui soit intégrable (l’intégrale sur J converge absolument)
I.2.2 Remarque
  1. La première hypothèse assure que le calcul éventuel de l'intégrale
    Jϕ(x,t)dt peut avoir du sens.
  2. La deuxième hypothèse est ``naturelle''. On veut que la fonction f qui dépend de
    x soit continue. Il faut donc partir de fonctions de x qui soient continue.
  3. La troisième hypothèse est la plus importante et la plus délicate en pratique.
    Il faut trouver un majorant de |ϕ(x,t)| qui ne dépend pas de la valeur de
    x , mais peut éventuellement dépendre de celle de t .
    Ensuite on prouve que notre fonction majorante est bien intégrable, en utilisant souvent
    le théorème de comparaisons des fonctions positives.
I.2.3 Exemple
Montrer que f:x0πcos(xsin(t))dt est continue sur R . On pose ϕ:(x,t)cos(xsin(t)) définie sur R×[0,π] .
  1. Soit xR fixé. On a déjà vu que tϕ(x,t) est continue sur [0,π] .
  2. Soit t[0,π] fixé. Alors xcos(xsin(t)) est continue sur R (de la forme xcos(αx) pour un αR fixé).
  3. Dominons !
    Soit (x,t)R×[0,π] . Alors |cos(xsin(t))|1 . Comme la fonction constante 1 est intégrable sur [0,π] on peut appliquer le théorème précédent.
Conclusion : f est continue sur R .
I.2.4 Cas où J est un segment
Il suffit de dominer par une constante, ou par une fonction continue ne dépendant pas de x .
I.2.5 Exemple
Montrer que x0+etcos(xt2)dt est définie et continue sur [0,+[ .
I.2.6 Remarque sur la domination
Le raisonnement est très souvent (dans le cas où on parle d'intégrales impropres), de fixer tJ et trouver la plus grande valeur de |ϕ(x,t)| pour x dans l'intervalle considéré.
I.2.7 Proposition

Soit f:IK une fonction.
Pour kN{} ,
  1. f est de classe Ck sur I si et seulement si f est de classe Ck sur tout segment [a,b] inclus dans I .
  2. Si I=]0,+[ , f est de classe Ck sur I ssi f est de classe Ck sur [a,+[ pour tout a>0 .
Preuve
Commençons par prouver la continuité (ou dérivabilité) de f sous l'hypothèse f est continue (respectivement dérivable) sur tout segment inclus dans I .
Soit x0I . Si x0 est une borne de I , et J un segment (non réduit à un point) d'extrémité x0 et inclus dans I . Alors la continuité de f en x0 est une continuité à gauche ou à droite et est donc assurée par la continuité sur J .
Si x0 n'est pas une extrémité de I , on prend cette fois un segment contenant x0 (de la forme [x0α,x0+α] pour un α>0 ) et la continuité de f en x0 est bien assurée (à gauche et à droite).
Les mêmes arguments assurent la dérivabilité.
Le reste de la preuve se fait par récurrence : si f est Ck+1 sur tout segment pour un k0 fixé, alors f est dérivable sur I et f est Ck sur tout segment donc Ck et finalement f est bien Ck+1 .
On conclut grâce au principe de récurrence.
I.2.8 Domination locale
Γ:{]0,+[R+x0+tx1etdt .
Soit a,b>0 avec a<b . Montrer que Γ est continue sur [a,b] . Pour l'application du théorème, on a en fait I=[a,b] On pose ϕ:(x,t)tx1et=e(x1)ln(t)et .
  1. Pour x[a,b] fixé, tϕ(x,t) est continue sur ]0,+[ .
  2. Pour t>0 fixé, xϕ(x,t) est continue sur [a,b] .
  3. Soit x[a,b] et t>0 . tx1et{ta1et si t]0,1]tb1et si t1 .
    Dans tous les cas |tx1et|(ta1+tb1)et qui est intégrable sur ]0,+[ par somme et d'après l'étude du début de chapitre.
Finalement Γ est continue sur [a,b] .
Montrons maintenant que Γ est continue sur ]0,+[ . Soit x>0 . Alors Γ est continue sur [x/2,x+1] et donc continue en x . Ainsi Γ est continue sur ]0,+[ .

II Dérivabilité

II.1 Approche intuitive

II.1.1 Le résultat désirable

On reprend le cadre précédent et on se demande si la fonction f:xJϕ(x,t)dt est dérivable. Il s'agit d'une fonction de la variable x , si tout se passait pour le mieux on pourrait dériver par rapport à x comme des brutes : df(x)dx=ddxJϕ(x,t)dt=Jϕ(x,t)xdt
II.1.2 Hypothèses
Donner les hypothèses sur ϕ pour que les intégrales considérées puissent exister.

II.2 Le théorème

II.2.1 Théorème
(On s'intéresse ici à la classe C1 d'une fonction de la forme f:xJϕ(x,t)dt )
Soit I,J deux intervalles non triviaux de R , ϕ:{I×JK(x,t)ϕ(x,t) une fonction. Supposons que :
  1. Pour xI fixé, ϕx:tϕ(x,t) est continue sur J et intégrable sur J .
  2. Pour tJ fixé, ϕt:xϕ(x,t) est de classe C1 sur I .
  3. Pour xI fixé, tϕx(x,t)=ϕt(x) ( la dérivée partielle dont on vient de prouver l'existence, mais comme fonction de t ) est continue sur J
  4. (hypothèse de domination) Il existe g:JR une fonction positive, continue et intégrable sur J telle que
    (x,t)I×J |ϕx(x,t)|g(t)
Alors la fonction f:{IKxJϕ(x,t)dt est définie et de classe C1 sur l'intervalle I. De plus, pour xIf(x)=Jϕx(x,t)dt
En pratique :
  • On doit vérifier que pour x fixé une certaine intégrale converge absolument. Si on vient d’appliquer le théorème I.2.1 le travail est déjà fait par comparaison de fonctions positives.
  • On vérifie la classe C1 par rapport à x , car on veut dériver par rapport à x et on calcule cette dérivée.
  • On domine |ϕx| (la dérivée que l’on vient de calculer) par une fonction indépendante de x et intégrable (c’est à dire qu’on a encore une étude de convergence absolue à faire).
II.2.2 Remarque sur les hypothèses
  1. Vérifier l'intégrabilité de la fonction de t revient à déterminer le domaine de définition de f . En particulier, si on a déjà prouvé la continuité de f , c'est déjà prouvé !
  2. On veut dériver par rapport à x , comme d'habitude, on s'assure que cette opération est licite.
  3. Nous n'intégrons que des fonctions continues. Vu la conclusion (désirée, voir le point précédent), cette vérification est naturelle.
  4. Cette fois, c'est la dérivée partielle par rapport à x qu'il faut dominer. Les mêmes remarques et techniques s'appliquent. En particulier, le but est d'obtenir un majorant qui ne dépend pas de x .
II.2.3 Exemple
Montrer que f:x0πcos(xsin(t))dt est de classe C1 sur R .
La fonction ϕ:(x,t):↦cos(xsin(t)) est dérivable par rapport à x par composition et ϕx:(x,t)sin(t)sin(xsin(t)) est continue sur R×[0,π] . Ceci prouve les 3 premières hypothèses.
Pour (x,t)R×[0,π] , |ϕx(x,t)|1 et 1 est intégrable sur le segment [0,π] . D'après le théorème de dérivation des intégrales à paramètres, f est de classe C1 sur R et f:x0πsin(t)cos(xsin(t))dt .
II.2.4 Fonction Γ
Montrer que la fonction Γ est de classe C sur tout [a,b] segment non trivial de ]0,+[ . On en déduit que Γ est de classe C sur ]0,+[ .
II.2.5 La classe C
En résumé, pour prouver que f est C
  1. Calculer les dérivées partielles successives par rapport à x après avoir justifier l’existence de telles dérivées.
  2. Dominer chaque dérivée partielle, y compris celle d’ordre 0 ( ϕ elle même) par une fonction intégrable qui ne dépend pas de x .
II.2.6 Exemple (Une transformée de Laplace)
Soit f:x0+ln(t)extdt . Soit a>0 . Prouver que f est C1 sur [a,+[ et calculer f .
  • Pour xa fixé, tln(t)ext est continue sur ]0,+[
  • Pour t>0 fixé, xln(t)ext est C1 sur [a,+[ de dérivée xtln(t)ext .
  • Pour xa fixé, ttln(t)ext est continue sur ]0,+[ .
  • Pour xa et t>0 , on a |tln(t)ext|=t|ln(t)|extt|ln(t)|eat qui est majorant négligeable devant 1t2 en + et prolongeable par continuité en 0.
D'après el théorème de dérivation des intégrales à paramètres, f est de classe C1 sur [a,+[ . Comme ce résultat est valable pour tout a>0 , f est de classe C1 sur ]0,+[ et f:x0+tln(t)extdt
On effectue une IPP sur [a,b] pour montrer que f(x)=1xf(x)+1x2 . Ainsi f:xln(x)x+KxK=f(1) .
II.2.7 Exemple
On considère la fonction ϕ:{R+×[0,1]R(x,t)ex2(1+t2)1+t2 et f:x01ex2(1+t2)1+t2dt .
Montrons que f est bien définie et de classe C1 sur R+
  • Soit x0 fixé. Alors ϕx:tex2(1+t2)1+t2 est continue sur le segment [0,1] donc intégrable.
    Ainsi f est bien définie sur R+ .
  • Soit t[0,1] fixé. Alors ϕt:xex2(1+t2)1+t2 est bien dérivable par composition (et produit par une constante) et pour x on a ϕx(x,t)=2xex2(1+t2) .
  • Soit x0 fixé. Alors t2xex2(1+t2) est bien continue sur [0,1] par composition (et produit par une constante).
  • Soient a,b0 avec a<b .
    ϕx est continue sur [a,b]×[0,1] qui est fermé et borné donc est bornée par une constante MR+ qui est intégrable sur [0,1] .
On a montré que f est C1 sur tout segment [a,b][0,+[ (on peut prendre a=0 ) et donc f est C1 sur R+ .
De plus, pour x0f(x)=012xex2ex2t2dt=2ex201e(xt)2xdt=2ex20xeu2dt Si on pose g:x0xet2dt alors g est la primitive de tet2 sur R qui s'annule en 0 et on a f(x)=2g(x)g(x)=(g2)(x) .
Ainsi f=g2+KK est une constante à déterminer. Comme f(0)=π4 et g(0)=0 , on a K=π4 .
De plus, f(x)x+0 car f est positive et vérifie 0f(x)01ex2dt=ex2 . Comme g(x)0 pour x0 on en déduit que limx+g(x)=π2 .