Une série entière de variable
est une série de la forme
où
.
Les termes de la suite
sont appelés les coefficients de la série entière.
Pour chaque
on étudie la convergence de la série numérique
. L'ensemble des
pour lesquels la série entière converge est appelé domaine de convergence. Ce domaine contient toujours
La somme de cette série entière est la
fonction
définie sur le domaine de convergence.
Lorsque la variable est réelle, on la note
plutôt que
.
I.1.2 Remarque
Comme pour les séries numériques, on peut considérer des séries entières dont le premier terme n'est pas d'indice
. Pour revenir dans le cadre du cours, on considère que les premiers termes de
sont nuls.
La convergence des séries numériques ne dépend pas de la valeurs des premiers termes (mais la somme oui !).
Explication
On reconnaît une série entière au fait qu'on voit apparaître la variable
à la puissance
exactement (l'indice de somme) et que le facteur de
est une quantité qui ne dépend que de
et pas de
: son coefficient.
Plus précisément, chaque somme partielle est une fonction polynomiale de la variable
.
I.1.3 Proposition (Rappel)
Soit
une suite de nombres complexes.
Preuve
Simple écriture de la définition, pour
on a évidemment
.
I.1.4 Exemple
Soit
. On a vu que la série numérique
converge ssi
. On peut donc considérer la série entière
qui est bien définie sur
. C'est le disque unité ouvert.
On a alors
.
I.2 Convergence d'une série entière
I.2.1 Rappel sur la divergence grossière
Si
alors
diverge.
Si
n'est pas bornée, alors elle ne peut pas être convergente.
I.2.2 Théorème (Lemme d'Abel)
Soit
.
Supposons qu'il existe
tel que
est une suite bornée. Alors pour tout
tel que
on a
Preuve
Soit
tel que
. Alors
Comme
, la série
converge et donc
converge absolument par comparaison de séries à termes positifs.
I.2.3 Exemple
On considère la série entière
.
convient donc tout
tel que
est dans le domaine de convergence.
I.2.4 Définition-proposition
Soit
une série entière.
L'ensemble
est un intervalle de
de la forme
(la deuxième borne est ouverte ou fermée, finie ou non)
est appelé
rayon de convergence
de la série entière
Preuve
Il faut montrer que
est un intervalle de la forme
(borne ouverte ou fermée,
).
Il suffit de montrer que si
alors
ie que tous les nombres inférieurs à
sont encore dans
.
Soit
et
. Alors, pour
,
et donc
est bornée, c'est à dire que
.
I.2.5 Rayon de référence
Le rayon de convergence de la série géométrique
vaut 1.
La série entière nulle possède un rayon de convergence infini.
I.2.6 Exemple
Calculons le rayon de convergence de
.
Si
alors
n'est pas bornée (son module tend vers
).
Si
,
converge vers 0 donc est bornée.
Finalement, et donc
.
I.2.7 Rayon nul
On peut très bien avoir
(et donc
) c'est a dire que pour tout
,
n'est pas bornée. Par exemple
convient.
I.2.8 Théorème
Soit
une série entière de rayon de convergence
, et
Si
alors la série numérique converge absolument donc converge.
Si
alors la série numérique diverge grossièrement.
Si
on ne peut pas conclure a priori sur la nature de
.
Preuve
Il s'agit juste un redite du lemme d'Abel (si
alors
pour un
).
Il suffit de remarquer qu'une suite non bornée ne peut tendre vers 0 (car toute suite convergente est bornée).
Reprenons la série
. Pour
, il s'agit de la série harmonique, notoirement divergente. Pour
, on trouve une série alternée convergente.
I.2.9 Domaines de convergence
Une série entière réelle (on calcule
pour
réel) est convergente au moins sur l'intervalle
où
est le rayon de convergence. La convergence en
est éventuellement à étudier au cas par cas.
Pour une série complexe, la série converge sur
. Sur l'ensemble
, on ne peut rien dire a priori.
On représente schématiquement le résultat précédent comme suit.
Les zones en vert sont les valeurs de la variable où la convergence absolue est assurée. Les zones en rouge sont les valeurs de la variable où la divergence grossière est assurée. Pour la zone bleue (cercle de centre
et de rayon
), on ne peut rien dire sans étude complémentaire.
La figure pour une variable réelle est la suivante :
I.2.10 Contraposées
Si on trouve un
tel que la série numérique
converge alors
.
Si on trouve un
tel que la série numérique
diverge alors
.
I.2.11 Exemple
Soit
. Montrons que le rayon de convergence
de
vaut 1 (
dans les cas
comme
). On considère ici une variable réelle.
Pour
(
), on a
(calculer le quotient, conclure par croissances comparées). Ainsi
converge absolument donc converge. Ainsi
.
Pour
tel que
, on a
et donc
diverge grossièrement et donc
.
Finalement
.
I.3 Calcul du rayon de convergence
I.3.1 Rayon 1
Soit
une série entière de rayon de convergence
.
Si
n'est pas bornée (par exemple
) alors
.
Si
est bornée (par exemple
converge), alors
.
I.3.2 Proposition
Soient
une série entière de rayon de convergence
et
une série entière de rayon de convergence
Si
(au moins à partir d'un certain rang), alors
Si
alors
(en particulier dans le cas
).
Si
alors
.
Preuve
Soit
. On doit montrer que
est bornée (et donc que
). Or par hypothèse, on peut poser
tel que
pour tout
. Ainsi
et
est bornée donc
est bornée aussi. Ainsi
et tout nombre plus petit que
est plus petit que
. On ne peut pas avoir
, c'est à dire qu'on a prouvé
.
C'est une conséquence directe car dans ce cas
et
.
I.3.3 Exemple
Le rayon de convergence de
est 1 car
.
I.3.4 Conséquence
Comme pour les séries numériques, on peut commencer par calculer un équivalent simple de
et raisonner sur cet équivalent.
I.3.5 Série produit
Soient
et
deux séries entières. Supposons que pour un
fixé, les deux séries numériques convergent absolument.
Alors
converge absolument si on pose
.
Ainsi, avec
, la série
converge. Il s'agit de la série entière produit.
I.3.6 Théorème
Soient
une série entière de rayon de convergence
et
une série entière de rayon de convergence
.
Pour
, la série entière
est de rayon de convergence
. Le cas
donne un rayon infini.
Le rayon de convergence
de la série
vérifie
si
et
dans le cas
.
Le rayon de convergence
de la série entière
vérifie
.
Preuve
Il s'agit d'une traduction directe des propriétés de convergences vu dans le chapitre sur les séries. Le méthode est la suivante : on prend
(le rayon de convergence que l'on veut calculer) et on prouve la convergence par application du chapitre sur les séries numériques. La remarque
I.2.10
conclut.
I.3.7 Inégalités strictes
On peut tout à fait avoir des inégalités strictes dans le théorème précédent.
Il suffit de considérer des séries opposées pour la somme et le produit par la série nulle.
I.3.8 Proposition
Soit
. Les séries entières
ont le même rayon de convergence.
Preuve
Notons
ces deux rayons (respectifs).
Comme
,
. On traite maintenant le cas
.
Soit
. Montrons que
est bornée. Soit
. Alors, pour
,
é
.
Or, par croissances comparées,
et est donc bornée. Par produit,
est bornée.
Ainsi
et finalement
.
I.3.9 Exemple
Les séries suivantes sont de rayon de convergence 1 :
où
.
I.4 d'Alembert
Commençons par un rappel :
I.4.1 Théorème (Règle de d'Alembert)
Soit
telle que
.
Supposons que
.
Si
alors
converge (on a même
).
Si
alors
diverge grossièrement (car
).
Si
la série
peut être divergente ou convergente.
I.4.2 Proposition
Soit
une série entière.
On suppose que
(au moins à partir d'un certain rang).
Si
admet une limite
, alors le rayon de convergence de
est :
0 dans le cas
dans le cas
dans le cas
.
Preuve
On suppose que
à partir d'un certain rang et que
(qui est forcément positive par passage à la limite des inégalités).
Pour
, posons
à partir d'un certain rang. Alors
(ou
si
). Notons
le rayon de convergence cherché.
Dans le cas
,
diverge pour tout
d'après le théorème précédent, donc
.
Dans le cas
,
converge pour tout
d'après le théorème précédent donc
.
Dans le cas
, on a
converge absolument dès que
ie
et donc
. De plus
diverge grossièrement dès que
ie
et donc
. Finalement,
.
II Propriétés de la somme, cas réel
Dans cette partie, on note
les séries entières et on considère que
est réel (peu importe pour les
). Ainsi, si
est de rayon
on considère la fonction (qui est la somme de la série)
.
Le domaine de définition peut éventuellement être fermé en
suivant les cas.
II.1 Intégration
II.1.1 Théorème
Soit
la somme d'une série entière de rayon de convergence
. Alors
est continue sur son domaine de convergence (qui inclut
, les bornes pouvant éventuellement être fermée en
).
Preuve
Cette preuve est hors programme...
Traitons d'abord le cas
Montrons que
. Il s'agit d'un résultat d'inversion de limites.
Soit
. On note
. Alors, pour
,
.
Ainsi
On se restreint maintenant à des valeurs de
dans
pour un
bien choisi (de telle manière que cette intervalle soit inclus dans
).
Soit
tel que
.
Alors
.
D'après
I.3.8
, la somme partielle du majorant converge vers
qui ne dépend pas de
(seulement de
, qui lui ne dépend que de
). Par passage à la limite en faisant
,
et donc par encadrement (cette fois
),
.
Il reste à traiter le cas
lorsque
est définie en
(le cas
est tout à fait similaire). On peut prendre, dans la preuve précédente,
et les arguments restent les mêmes.
II.1.2 Exercice
Soit
une fonction définie par une série entière
de rayon de convergence
avec
et
. Montrer que
s'annule au moins une fois.
II.1.3 Exemple
Posons
. Alors
.
De plus, pour
,
et aussi pour
.
Donc
est bien la somme de cette série entière sur
en entier et donc
est continue sur
en entier.
II.1.4 Théorème (Intégration terme à terme)
Soit
la somme d'une série entière de rayon de convergence
.
Remarquons que les séries entières qui interviennent ici sont de rayon de convergence
exactement d'après
I.3.8
Preuve
Encore une fois hors programme.
Soit
et
entre 0 et
. Soit également
.
. Il s'agit encore une fois de pouvoir faire tendre
vers
.
Or
On voit apparaître des restes de séries numériques absolument convergentes, appliquons l'inégalité triangulaire (sur l'intégrale et la série, on conserve la valeur absolue extérieure au cas où
).
Or, pour
entre 0 et
,
. De plus,
converge absolument donc on peut trouver
tel que
pour un
fixé.
Alors, pour ces
,
qui peut être rendu arbitrairement proche de 0.
Ainsi,
.
II.1.5 Exemple
Posons
, qui est la somme d'une série entière de rayon 1.
Ainsi, pour
on a
.
Après un changement d'indice, on obtient la formule (à connaître et à savoir retrouver)
De plus,
ssi
(
on veut changer
en
dans la formule précédente, on calcule le nouveau domaine de validité, ie. le nouveau domaine de convergence
) et donc
Remarquons que cette dernière série converge en
(c'est une série alternée classique) et donc on peut fermer l'intervalle de convergence en 1 et on obtient
II.1.6 Exercice
Exprimer
comme somme d'une série pour
.
II.1.7 Exercice
Pour quels
peut-on écrire
sous forme d'une série entière ?
Réponse :
II.2 Dérivation
II.2.1 Théorème (Dérivation terme à terme)
Soit
la somme de la série entière
de rayon de convergence
.
est de classe
sur
et pour
on a
et plus généralement
Remarquons que les série entière qui définissent
et les
sont également de rayon de convergence
.
Preuve
Hors programme. Posons, au hasard,
qui est bien définie sur
, continue et que l'on peut intégrer terme à terme d'après le théorème
II.1.4
. Alors pour
,
et donc
est une primitive de
.
Ainsi
est dérivable et
.
Le reste est une récurrence simple
II.2.2 Exemple
Calculons
après avoir prouvé sa convergence.
Premièrement la série entière
est de rayon de convergence 1. Notons
sa somme. Sa dérivée est
.
Comme
,
est bien la somme d'une série convergente et
.
II.2.3 Exemple
Posons
.
Alors
est de classe
sur
par quotient dont le dénominateur ne s'annule pas.
De plus, pour
on a
.
Cette relation est encore vraie en 0. Ainsi
et finalement
est
sur
.
II.2.4 Corollaire
Soit
une série entière de rayon de convergence
et
sa somme. Alors
pour tout
.
II.2.5 Taylor
Nous ne sommes pas si étonnés de ce résultat. On retrouve les coefficients du développement de Taylor de
(qui est
) en 0.
II.2.6 Corollaire (``Identification'' (unicité) des coefficients)
Les coefficients d'une série entière de
rayon non nul
sont uniques.
Plus précisément, si
et
sont de rayons non nuls et vérifient pour un
que
alors
.
II.2.7 Application importante
Si une série entière
est de rayon
et vérifie
pour
alors tous ses coefficients sont nuls.
II.2.8 Exemple
Cherchons une fonction
somme d'une série entière qui vérifie
. Notons
la série cherchée de rayon
(inconnu pour l'instant).
Alors
pour tout
.
Alors on a pour tout
. Par récurrence immédiate
et
qui est bien de rayon
.
On a vérifié a posteriori que l'hypothèse faite sur le rayon est cohérente avec le résultat obtenu.
III Développement en série entière
III.1 Fonctions développables
III.1.1 Définition
Soit
une fonction de classe
sur
tel que
et
n'est pas une borne de
.
Le
développement de Taylor
de
est la série entière
.
III.1.2 Exemple
On a déjà vu que
est la somme de son développement de Taylor sur
:
On a même prouvé que
converge pour tout
(
ce qui est cohérent avec ce chapitre, car le rayon de convergence de cette série entière, est
.)
On pose alors, pour
,
et le théorème sur le produit de Cauchy montre qu'on a bien
pour tous complexes
.
III.1.3 Définition
Soit
où
est intervalle qui contient 0 (et 0 n'est pas une borne de
).
On dit que
est
développable en série entière
(au voisinage de 0) ssi il existe
et une série entière
tels que :
est de rayon
.
Autrement dit,
est la somme d'une série entière sur un intervalle
contenu dans
.
La série entière
est appelée
développement en série entière
de
.
III.1.4 Résumé
Soit
une fonction développable en série entière sur
avec
.
est
sur
.
Le développement en série entière est unique sur
et il s'agit du développement de Taylor de
.
Toute primitive de
est développable en série entière sur
.
Les dérivée successives de
sont développables en série entière sur
.
III.1.5 Remarque
Il existe des fonctions
sans être développable en série entière. Par exemple
prolongée en 0 par
est de classe
sur
(par récurrence, et application précise du théorème de prolongement
).
Par contre sa série de Taylor est nulle et donc
ne coïncide avec cette série sur aucun intervalle infini centré en 0.
III.1.6 Parité
Si
est DSE et paire, alors les
sont nuls. Si
est impaire, les
sont nuls.
Pour obtenir ce résultat, on utilise l'unicité des coefficients sur l'égalité
ou sur l'égalité
.
III.2 Développements en pratique
Dans les preuves des résultats qui suivent se trouvent les méthodes principales pour prouver qu'une fonctions est développable et calculer son développement.
III.2.1 Exemple
Donner le DSE (si possible) de
qui est définie sur
.
Soit
(dans l'intervalle de convergence des deux séries entières que l'on voit apparaître ici).
A priori ce produit de Cauchy a un rayon de convergence
(cf théorème
I.3.6
)
Or
diverge donc la suite
n'est pas bornée. Ainsi
. Finalement
et
est développable sur
.
Remarque : on ne pouvait pas espérer beaucoup plus pour un DSE, vu que
est définie sur
. Ceci n'empêchait pas a priori la série entière d'avoir un rayon plus grand que 1...
III.2.2 Proposition
et
sont développable en série entière sur
et pour tout
Preuve
Prouvons le pour
.
Premièrement, le rayon de convergence de la série considéré est
.
Soit
et
. Alors
sur tout intervalle et d'après l'inégalité de Taylor-Lagrange appliquée entre 0 et
:
Par croissances comparées
et
coïncide bien avec son développement de Taylor sur
.
III.2.3 Formules d'Euler
Montrons que pour
on a
Pour
on a
où on a remarqué que
vaut 0 lorsque
est impair et 2 lorsque
est pair.
De plus, pour
,
. Finalement
d'après la proposition précédente.
III.2.4 Proposition
et
sont développable en série entière sur
et pour tout
Preuve
Similaire. A faire en exo. On peut également utiliser les opérations sur les DSE en remarquant que
.
III.2.5 Proposition
Soit
.
est développable en série entière sur
et
Le coefficient de
est un quotient d'un produit de
termes par
. Si
, le rayon de convergence est
et le développement est en fait une somme finie.
Preuve
Considérons le problème de Cauchy
.
Clairement
est solution sur
. On considère que
.
Analyse
Cherchons maintenant une solution
somme d'une série entière de rayon
,
.
Alors
Par unicité des coefficients d'une série entière (valable car
), on obtient la relation :
.
De plus, on doit avoir
c'est à dire
. Par récurrence immédiate,
.
Synthèse
Considérons la série entière
où
. Calculons le rayon de convergence
de cette série. Pour
on a Aucun besoin de simplifier le quotient, c'est la relation de récurrence qui donne le résultat. Ainsi si
la série entière diverge et donc
. De plus, si
la série converge et donc
. Finalement,
et le calcul fait dans l'analyse montre que la fonction somme est solution du problème de Cauchy considéré sur
.
Par unicité de la solution à un problème de Cauchy (sur un intervalle),
est développable en série entière sur
.
III.2.6 Exemple
Soit
. Donnons le DSE de
qui est de rayon 1 d'après le théorème précédent.
Nous devons calculer, pour
,
.
Ainsi, pour
III.2.7 Exemple
Montrons que
est DSE et donnons son développement.
est DSE sur l'ensemble
. et on a pour
:
(rappel : un produit vide vaut 1 par convention).
Or pour
,
par l'opération classique consistant à multiplier et diviser par le produit des nombres pairs entre 2 et
.
Finalement,
.
Par intégration terme à terme :
et le rayon de convergence est 1.